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Faut il avoir peur de Airbnb

« Faut-il avoir peur d’Airbnb ? »,

L’idée de traiter le sujet nous est venue lorsque Mr et Mme Perez (le nom a été changé) sont venus dans notre agence immobilière pour que nous les aidions à trouver un logement meublé pour une durée de trois mois. Ce couple venu d’Espagne a été confronté à une expérience peu banale, ils étaient logés à Ouagadougou par le système AirBnB, dans une villa avec piscine derrière l’hôtel Silmandé. Tout était parfait jusqu’au moment où ils ont appris que la personne avec qui la location avait été faite, le locataire, revenez d’un voyage écourté et qu’il reprend la maison qu’il habite toute l’année au Burkina Faso. Oui vous avez bien compris le locataire louez la maison pendant son absence et à son profit et nous supposons sans en avertir le bailleur. Les limites du système AirBnB étaient atteintes…

Les tribunaux européens n’hésitent pas à appliquer ce qui est devenu la  « jurisprudence AirBnB » qui donne droit aux propriétaires furieux de voir leur locataire « s’enrichir » sur leur dos. Les tribunaux condamnent les locataires à verser de gros dommages et intérêts aux propriétaires lésés et prononce souvent la résiliation du bail. Cette situation a fait tache d’huile jusqu’au  Burkina Faso, les locataires n’hésite pas à sous louer leur domicile lors de leur départ en vacances. La justice sera-t-elle saisie aussi ?

Ce « Business Model » qui, venu de l’autre côté de l’atlantique, bouscule le marché de la location mondiale et par conséquent celui de la cité capitale du Burkina Faso.

Dix ans après que l’entreprise, fondée par  Brian Chesky, ait révolutionnée le marché de la location du court terme, du long terme, de l’hôtellerie, du tourisme et du logement, nous comptabilisons sur le net plus de 300 domiciles burkinabè affiliés à cette plateforme collaborative révolutionnaire. Pourtant peu de monde croyait au concept du fondateur, on lui opposez des arguments du type « Personnes ne laissera rentré chez-lui un étranger » « votre concept va bousculer les professionnels du secteur traditionnel de l’hôtellerie, ils ne vous laisseront pas faire ». Aujourd’hui 200 pays affichent le logo du phénomène et l’entreprise aurait réussi une levée de fond de 1 milliard de dollars en 2018, les détracteurs se sont trompés. Certes le Burkina Faso n’est pas le plus important des marchés de la planète, mais la firme américaine ne l’a pas négligé et cela pour des raisons stratégiques de développement évidentes, battre la concurrence dans tous les pays.

Mais le développement des relations directes entre particuliers n’est pas sans conséquences sur l’écosystème traditionnel burkinabè.

Cette concurrence frontale, qui n’est pas soumises aux normes du secteur hôtelier, fait-elle peur aux acteurs locaux ? Marchands de nuitées, surtout de la ville de Ouagadougou. Certes la capitale Ouagalaise n’est pas New York ou Paris où le phénomène a pris une telle ampleur qu’il est interdit, dans la ville au bord des rives de l’Hudson, de louer un appartement pour une durée inférieure à 30 jours , quant à la ville traversée par la Seine 120 jours est le maximum. Il est bon de noter que ces deux villes imposent, à la plate-forme, respectivement, de connaître les noms des hôtes et de communiquer  les revenus des bénéficiaires. La ville de Ouagadougou, au regard du manque de mobilisation des patrons d’hôtels n’a donc pas peur, il semble même ne pas avoir conscience du manque à gagner évalué à plus de 100.000 nuitées perdues pour le secteur et qui profite aux particuliers. L’état y perd des taxes et autres revenus lorsque les bailleurs ou les ‘’sous-bailleurs’’  (pas tous) ne jouent pas le jeu de la déclaration de location.

Le système impacterai aussi le marché immobilier et pourrait inquiéter les pouvoirs publics en charge du  logement. Cette diminution de l’offre aurait pour conséquence une augmentation des prix des logements restants.

Hôtellerie versus Airbnb

La plateforme permet à des particuliers de faire de l’hôtellerie sans les lourdes contraintes qui pèsent sur le secteur hôtelier du pays. Un vide réglementaire semble nuire aux hôteliers bukinabè et par conséquent à la chaîne touristique du plus haut de l’échèle (budget de l’état compris) aux restaurants et autres ‘’accueillants’’ du tourisme.

Les éléments caractérisant la concurrence déloyale entre l’hôtellerie et les meublés touristiques.


Dans ses conditions générales, article 13, Airbnb se dédouane en précisant clairement qu’il est de la responsabilité de l’hôte de collecter et payer les taxes ‘’

13.1 En tant qu’Hôte, il vous appartient de déterminer vos obligations de déclaration, de collecte, de versement, ou d’inclusion dans votre Prix affiché, de toute TVA applicable ou autre taxe indirecte sur les ventes, taxes d’occupation, taxes sur les touristes ou autres visiteurs ou impôts sur le revenu (les « Taxes »).


Un hôtelier récolte  et reverse de la TVA, mais aussi des taxes de séjours et de développement touristiques, il est aussi tenu d’avoir une personne de permanence 24h/24h, pour assurer une telle présence il lui faudra au minimum deux salariés voire trois. Il est tenu de répondre à des contraintes de sécurités incendies strictes et faire des investissements pour la garantir à ses clients, toujours dans le cadre de la sécurité et de la situation au Burkina Faso, s’il veut conserver sa clientèle il doit ‘’hyper-sécuriser’’ l’accès à son site, encore des investissements. Son client sera aussi attentif à l’état de propreté de l’établissement, pour cela il aura du personnel et si son client veut dîner notre hôtelier investira dans des cuisines et du personnel.

Toutes ses charges mises bout à bout, si notre hôtelier dégage une marge elle doit être entre 5% et 10%, le bailleur touristique, lui n’a pas de charge, ou très peu, il doit pouvoir dégager une marge d’au moins 70%.

Fondée sur des valeurs de partage et de confiance, l’idée est incontestablement bonne. Vous êtes propriétaire, votre villa ou votre appartement est vide pourquoi ne pas le louer ? Mais encore fallait-il créer un concept flexible, intuitif et sécurisé pour rassurer l’ensemble des utilisateurs et là pas de doute ils ont réussi le pari.

Partout dans le monde la multiplication des offres est effective, Ouagadougou, Bobo Dioulasso et ailleurs n’échappent pas à ‘’l’ogre’’.

Ce type de partage ‘’intéressé’’ permet à des particuliers de boucler des fins de mois, pour d’autres c’est un moyen de financer des vacances ou des études, mais aussi d’entretenir leur bien. Pour les voyageurs cela permet de se loger à des coûts inférieurs à l’hôtellerie classique et de se retrouver dans des conditions de vies d’autochtones.

Oui, mais, voilà, pour les hôteliers qui perdent des parts d marché, le système est tellement efficace qu’il en devient dangereux compte tenu de la législation imposée et des coûts de fonctionnements.  L’offre locative sous la forme habituelle (particulier à particulier) est aussi affectée puisque elle se restreint au profit de l’offre touristique.

A Ouaga moins que dans les autres capitales, il est tentant pour un propriétaire de louer son logement sur AirBnB plutôt que sur le marché classique. Le bien loué est libérer rapidement sans rentrer en conflit avec le locataire super protégé par les lois. Certains intermédiaires, professionnels ou pas, se sont engouffrés dans cette faille et ont inscrit une multitude de villas ou appartements accentuant ainsi les effets négatifs du concept AiBnB.

 A terme, si le développement du système s’amplifie, pourquoi ne pas craindre de nous voir, nous les résidents, repousser aux confins de la ville par les touristes ou autres hommes d’affaires séjournant dans les grandes villes du Burkina Faso. Certes nous n’en sommes pas là, mais les autorités aux travers de nos élus doivent surveiller le phénomène et s’assurer que les loyers ne subissent pas une inflation au détriment des citoyens qui veulent se loger en ville. Une idée de partage est toujours une bonne idée et celle-ci du point de vue économique est géniale (surtout pour ses géniteurs), mais pour qu’elle le reste il faut la contrôler et l’asservir aux us et coutumes économiques burkinabè.