Dossiers

L’expatrié et son logement

Faut-il élargir les zones «sécurisées» ?…

SITUATION
Capitale du Burkina Faso et centre économique du pays, Ouagadougou affiche une croissance annuelle de plus de 7% et un taux annuel d’accroissement moyen de sa population de plus de 4,5%. Cette future immense agglomération, dite « le grand Ouaga », aujourd’hui constituée de plus de 1,9 millions d’habitants, devrait atteindre à l’horizon 2030 les 4,7 millions d’habitants, près de 90% de cette population sera présente dans le Ouagadougou d’aujourd’hui.
La ville de Ouagadougou est formée de cinq arrondissements subdivisés en secteurs, dans le centre ville on y trouve des quartiers fortement équipés de commerces et de services administratifs, appareils de l’état, siège d’organisations internationales etc. Les quartiers ceinturant le centre ville sont des zones urbanisées loties bénéficiant d’équipement moyen et abritent des espaces résidentiels et commerces de proximités. Au-delà de ces quartiers des zones d’habitat spontanés avec très peu d’équipement sans aucune forme d’urbanisme. Trois zones d’activités sont positionnées à l’ouest, au nord et au sud-est de la ville, un aéroport international au centre de la ville qui devrait être déplacé vers l’est, donnant ainsi une bouffée d’air à la circulation et à l’immobilier dans la ville.


GENERALITES
A partir du début de l’année 2010, nous assistons à un mouvement d’expatriation de « masse » du à la mise en place de nombreux projets de grande ou de moyenne envergure, l’exploitation des sous sols du pays et autres créations d’infrastructures ont très rapidement contribué à une pénurie de logement de qualité répondant aux standards européen et américains, notamment en termes de confort et de sécurité et par conséquent à une flambée des prix de la location immobilière de moyenne ou bonne qualité. De fin 2014 jusqu’à nos jours, avec le soulèvement populaire, la transition démocratique engagée, le coup d’état, l’élection présidentielle, les attentats sur l’avenue KNKR, le terrorisme sous régional et la pandémie, cette tendance a subi une baisse évidente.

Depuis 6 ans le marché du locatif ne parvient pas à se normaliser et fluctue au grès des événements. Pour des raisons évidentes de sécurité, les institutions internationales (Ambassades, ONG, etc.) exigent que leurs fonctionnaires internationaux logent dans des quartiers bien définis, à Ouagadougou ces quartiers sont au nombre de cinq (Koulouba, Rotonde, Zogona, Zone du Bois*, Ouaga 2000), en 2011, le quartier de Gandin (Petit Paris*) a été exclu par ces institutions et classé comme zone non sécurisée, les militaires burkinabè, voisins du quartier, avaient une fâcheuse tendance à tirer en l’air pour faire passer leurs revendications et quelques projectiles, non contrôlés, retombés sur les habitations.
L’effet pervers de cette situation locative est une augmentation de la demande dans les quartiers cités et surtout une augmentation des loyers jamais ou très rarement justifié.
Un autre sous effet pervers est l’augmentation de la demande dans ces quartiers de la part d’organisations internationales pour y faire leur bureau « dans un quartier sécurisé ». Résultats de nombreux biens immobiliers à usage d’habitation sont transformés en bureaux et contribuent à l’augmentation des loyers.
La qualité du logement, sa situation géographique, sont des critères déterminants, à Ouagadougou, la situation immobilière n’est pas à la hauteur du développement de la ville et de l’activité croissante de certains secteurs qui favorisent l’arrivée de nouveaux expatriés.
*Zone du Bois et Petit Paris ne sont pas des quartiers administratifs, mais des zones résidentielles.

LES ACTEURS DU MARCHE

Les propriétaires :
Dans les quartiers de Zone du bois, Rotonde, Zogona, Petit Paris, les propriétaires ont un profil plutôt identique, anciens hauts fonctionnaires de l’Etat, d’institutions internationales publiques et privées. Dans le quartier de Ouaga 2000 nous y rencontrons de grands commerçants ou nouveaux entrepreneurs ayant réussi dans les affaires ces dernières années. Les propriétaires louant leur bien sont, de manière générale et hormis le quartier récent de Ouaga 2000, peu enclin à faire des travaux d’améliorations ou de mise aux normes. Ils procèdent par retouche de couches de peintures donnant à l’habitation un aspect propre quelques uns travaillent sur l’ensemble électricité/tuyauterie, il est bon de noter que l’ensemble des travaux est souvent financé par la caution ou/et les avances de loyer apportés par le nouveau locataire. A noter que la génération primo-propriétaire tend à disparaitre, le transfert de propriété vers les héritiers génère des conflits familiaux important et il n’est pas rare d’avoir plusieurs interlocuteurs aux intérêts divergent lors de la transaction, dans ce cas et de façon générale, l’expatrié devra privilégier les habitations dont la gestion est organisée par un professionnel de l’immobilier.

Agences immobilières :
De plus en plus nombreuse, elles présentent l’avantage de faire intervenir un professionnel qui connaît bien le marché immobilier local et disposent en général d’un large choix de bien à la location.
Dans un contexte où les particuliers ont parfois tendance à « surévaluer » leur bien, l’agence sert d’intermédiaire dans les négociations entre bailleur et locataire potentiel. Le coût de cette intervention correspond à la commission de l’agence immobilière. La commission de l’agence immobilière est généralement égale à la valeur de un (1) mois de loyer à la charge du locataire et/ou du bailleur. L’avantage de confier à une agence un mandat de recherche est multiple, en effet le mandat de recherche permet à l’agent immobilier d’agir au nom de son client et de démarcher des personnes proposant un bien immobilier. Recourir à ce type de services permet généralement à un locataire de gagner du temps. En effet, la recherche d’un bien immobilier est une démarche assez chronophage, qui exige une certaine disponibilité. L’agent immobilier peut, de par son expertise, identifier plus rapidement les types de biens correspondant aux attentes du futur locataire. L’agence met en place les accords de locations entre les parties au travers d’un bail modulable et qui doit tenir compte de diverses situations professionnelles ou/et familiales du locataire et/ou du propriétaire. Elle peut aussi participer à l’état des lieux et bien entendu agir en conseil ou médiatrice auprès des bénéficiaires du bail, elle peut aussi inscrire le bail auprès des services de l’état (obligatoire et à la charge du locataire et/ou du propriétaire).
La profession tente de se structurer, des associations d’agents immobiliers sont fondées et mettent en place des règles internes communes cette situation conduira, à terme, à la création d’une fédération et à la reconnaissance de cette profession avec un statut propre à l’exercice de cette activité.
Lors de notre enquête, nous avons pu constater que certaines agences, qui ont une demande d’un client, louent, en leur nom, une villa où un autre bien immobilier, puis louent à nouveau l’habitation à leur client avec un bénéfice. Cette façon d’agir est contraire à la loi, une agence doit avoir un mandat de gestion avec le propriétaire ou être elle-même propriétaire du bien à louer. Le locataire doit être attentif à la lecture du bail, les conséquences peuvent être préjudiciables lors d’une situation conflictuelle tripartie.

Les démarcheurs :
Les démarcheurs, étaient auparavant installés aux abords des rues avec leurs tableaux fournissant des informations, vraies ou fausses, sur la disponibilité des biens à louer ou à vendre, cela tend à changer, le démarcheur « moderne » tourne dans les quartiers à fort potentiel à la recherche de biens disponibles. L’activité non reconnue officiellement au Burkina Faso, a connue un essor fulgurant ces dernières années et participe à une désorganisation totale du marché, échappant à tout contrôle des pouvoir publics, cependant il ne faut nier le rôle socio-économique de cette activité non réglementée.
Beaucoup de grands propriétaires immobiliers, ne le sont pas à visage découvert pour diverses raisons. De ce fait, ces propriétaires « dans l’ombre » utilisent des démarcheurs pour trouver des locataires et percevoir leurs loyers. Ce faisant, il y a généralement donc un prix du propriétaire différent (inférieur) du prix du ou des intermédiaires. Ces derniers qui ne se contentent plus de la rémunération de leurs services sont devenus de véritables sous-bailleurs. Selon certaines estimations, le surplus de rémunération de cette chaîne d’intermédiaires atteint parfois 30% du loyer fixé par le propriétaire. Cette surenchère explique que beaucoup de maisons restent inoccupées pendant longtemps faute de preneurs. Localisée très souvent proche des fameux quartiers, les démarcheurs, ont généralement une ou plusieurs autres activités en plus de celle « d’agent immobilier », cette proximité leur permet, de connivence avec les chauffeurs des grandes organisations internationales qu’ils rémunèrent à la signature, de capter le futur locataire à la recherche de son habitat. Ils connaissent bien leur quartier et fonctionne en réseaux pour les autres quartiers, peu soucieux ou conscient des besoins des futurs locataires, ils proposent le peu de bien à leur disposition.

Sous-Bailleurs :
La sous-location est admise et réglementée aussi bien pour les baux à usage professionnel (comme le prévoit l’acte uniforme sur le droit commercial général applicable dans tous les Etats membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), que pour les baux à usage d’habitation. Pour les baux à usage d’habitation, la loi prévoit la possibilité pour le locataire de sous-louer le logement qu’il a loué, s’il en a l’autorisation du bailleur. Comme le prévoit le texte le locataire peut, si les lieux sont loués vide de meuble (nu) sous-louer le bien cependant, le loyer ne peut être supérieur à celui dû au bailleur. S’il est loué meublé (par le sous-bailleur), la loi permet de demander un sous-loyer supérieur au loyer principal, jusqu’à hauteur de 150%. Les baux sont pratiquement toujours installés pour une année renouvelable tacitement ce qui, dans le cas de la sous-location, peut avoir des conséquences graves pour le sous-locataire, en cas de non renouvellement par le bailleur adressé au locataire. Si en pratique il est possible au sous-locataire de se retourner contre le locataire bénéficiaire du bail initial, dans les faits cela est bien plus compliqué les procédures étant très lourdes et rarement suivit d’effets pour un étranger ayant peu de temps pour entreprendre ces procédures.

SOLUTIONS
Comme le chien qui se mord la queue, nous tournons en rond alors que des solutions existent. Bien entendu à la rédaction, nous n’avons pas la prétention de connaître l’ensemble des problèmes auxquels est confronté un responsable de sécurité (RSO) de toutes les institutions internationales présentent au Burkina Faso. Cependant, l’élargissement des zones sécurisées, est une issue pour régler la situation de l’expatrié qui est tenu par une indemnité de logement, actuellement trop faible pour se loger dans les quartiers imposés. Nous trouvons, mitoyens des quartiers de la Zone du Bois ou de Zogona, des quartiers comme Wemtenga ou 1200 logements avec des biens immobiliers de qualité égale, voire supérieure à des prix inférieurs de 20% au minimum. Le quartier de Ouaga 2000 a comme voisin, l’agréable quartier de la Patte d’Oie ou l’on y trouve de belle maison avec piscine, grand jardin et de nombreux commerces de proximités.

Si, ajouté à cet élargissement, des précautions sont prises comme dans l’encadré plus haut, si l’exclusion de tout démarcheur ou toutes autres personnes ne pouvant pas justifier de l’exercice de sa fonction est mise en place, si un mandat de recherche est signé avec un professionnel avec des objectifs clairement établis, alors, l’offre s’élargissant les prix baisseront, les intermédiaires parasite disparaîtront, les propriétaires feront des efforts pour offrir un bien de qualité. Bref des solutions peu onéreuses et efficaces très rapidement.


Attention : Il est très fréquent d’avoir des interlocuteurs qui se font passer pour des propriétaires, démarcheurs, famille et autres amis.
Conseil : Dans le cadre de la mise en place du contrat de bail, il est bon d’imposer à l’interlocuteur, propriétaire, agent immobilier ou autres, d’annexer au contrat de bail, une copie d’un titre foncier (TF) ou une copie d’un permis urbain d’habiter (PUH) ainsi qu’une copie d’une pièce d’identité du propriétaire, cela permet de vérifier que les informations du TF ou PUH sont les même que celles qui figurent sur le contrat. Dans le cas contraire, exigez un mandat de location et/ou de gestion, voire un contrat de bail avec une autorisation de sous location, dûment signé par le propriétaire au nom de son représentant.